1004 et aprés

C’était en l’an 1004. Le chevalier Arthur partait en croisade. On avait changé de millénaire, mais tout le monde s’en foutait. De toute façon, la tour Eiffel n’était pas construite, donc on ne pouvait pas l’illuminer.

Les ordinateurs n’ont pas bugué, il n’y a pas eu de crash informatique, ni d’acte de terrorisme. C’était juste le deuxième millénaire, siècle onze, année quatre. D’ailleurs il ne s’est pas passé grand-chose cette année-là. On a juste eu un Jean Dix-huit. On avait déjà oublié les dix-sept premiers, mais c’était comme ça. On ne les choisissait pas ces types-là. Ils se choisissaient entre eux. C’était un 26 décembre.

Aussi en ce temps-là, il s’est passé un truc terrible : Pise, la belle ville, s’est faite pillée par des bandits arabes. Après, plein de gens ont tourné racistes. Et comme l’Italie est devenue le berceau de la Renaissance et que la Renaissance est devenue un phénomène de mode que le monde entier a suivi, alors le monde entier est devenu raciste. Oui, ça vient de là.

L’an 1004, Abbon de Fleury est mort. Personne ne sait qui c’est, mais il faut le dire. Parce qu’on doit honorer la mémoire des morts.

Le chevalier Arthur est parti en croisade donc. Mais ce n’était pas Le Chevalier Arthur. C’était un chevalier qui s’appelait Arthur, c’est tout. Bien sûr, tout le monde sait que la première croisade a commencé en 1095. En fait, Arthur est parti en croisade tout seul. Il avait un cheval, qu’il avait appelé Tornadus (il aimait les consonances latines), et une épée en fer.

Il est parti quatre ans, et quand il est revenu, il a repris son travail au château du coin. Ses amis lui posèrent des questions. Alors ? C’était comment ? T’as trouvé des gonzesses ? Tu t’es bien marré ? T’as bourré de la viande ? Mais il ne répondait jamais.

Arthur se demandait pourquoi il avait fait ce voyage, mais il ne trouvait pas de réponse. Ç’avait été lent et ennuyeux. Il ne lui était rien arrivé de spécial : pas d’illuminations, pas de femmes, pas de trésor, pas de Dieu. Rien. Par contre, il s’est fait voler quatre fois et casser la gueule plus d’une vingtaine de fois.

Il se demandait aussi comment serait le monde dans mille ans. Serait-il beau ? Dieu serait-il parmi les hommes ? Le bonheur régnerait-il dans le royaume ? Est-ce que quelqu’un racontera encore son histoire ?

Mais Arthur, quelle est ton histoire ? Tu n’en as pas ! Ta vie était nulle. Tu n’as rien fait, même pas le plus petit exploit imaginable. Tu n’avais même pas la foi.

Je veux bien essayer de la raconter ton histoire, mais je ne trouve plus mes mots. J’ai déjà brodé pas mal de lignes et je commence à être à bout. Je ne sais plus quoi dire sur toi Arthur. Tu es inintéressant. Tu es un héros qui ne sert à rien, un personnage fantôme. Estime toi heureux que je t’ai fait vivre pendant quelques minutes et remercie le lecteur qui a eu le courage de lire ton existence minable.

Maintenant fous nous la paix et casse toi.


Télécharger au format pdf

Aucun commentaire: