Nyx

J’étais dans l’avion, je traversais l’océan Pacifique. Il faisait noir, c’était la nuit. Tout le monde dormait, sauf moi. Je voyageais souvent, pourtant, mais je n’arrivais jamais à fermer l’œil dans un avion. Je voyais les autres passagers, paisibles dans leur sommeil, et je les enviais un peu.

Cette fois-là j’avais essayé plus que de coutume. Pendant des heures je suis resté, bien allongé dans mon siège, les yeux fermés à compter les nuages dans ma tête. Le bruit des réacteurs était apaisant. J’ai cru m’assoupir plusieurs fois.

Rien à faire. Je me suis levé, pour me dégourdir les jambes. Je suis allé aux toilettes, il y avait déjà quelqu’un. C’était bien étrange d’ailleurs. Je me souviens de la sensation que j’éprouvais à ce moment. Qui peut bien aller aux toilettes à cette heure-là ? Et puis à la réflexion, celui qui se trouvait à l’intérieur devait penser au moins la même chose.

J’allais repartir pour m’asseoir, la porte s’ouvrit avant. Ce n’était pas un homme qui en sortit. C’était une femme. Oui, elle devait être belle. C’est moi qui lui ai adressé la parole en premier. J’ai chuchoté.

- J’espère que je ne vous ai pas fait peur ! ai-je dit en esquissant un sourire.

- J’ai cru que vous alliez démonter la porte ! ajouta t-elle.

Nous avons ri. Silencieusement, pour ne réveiller personne. Après, tout s’est passé très vite. Plutôt, rien ne s’est passé très vite. Elle avait le sourire franc et la parole légère. Elle aimait le café et les poissons exotiques. Elle n’avait pas grand-chose d’intéressant à raconter, sa vie même semblait plate et artificielle.

Mais elle était fascinante. Nous avons discuté très longtemps, je ne sais plus de quoi. J’ai dû lui poser mille questions. Je n’ai le souvenir que d’une seule réponse.

- D’où viens-tu ?

Elle a pointé son doigt sur le hublot qui donnait sur le ciel plein d’étoiles. Je viens de là-bas. J’ai souri devant sa candeur.

- Là-bas ? ai-je dit en suivant son doigt.

- Non, plus à l’ouest encore…

Dehors, c’était la nuit. Probablement la plus belle nuit que j’ai rencontré. Le dernier souvenir que j’ai d’elle, c’est quand elle m’a raccompagné à ma place. J’avais insisté pour que ce soit moi qui la raccompagne, mais elle m’a fait fléchir. Je me suis assis, elle s’est baissée vers moi, et elle a chuchoté tu vas dormir maintenant.

Elle a posé sa main sur mon visage, et une sensation de chute me rendit soudainement léger comme l’air. Je n’avais jamais ressenti autant de paix, ni dans l’amour, ni dans la jouissance, ni dans la drogue. Je n’ai pas lutté, j’ai juste fermé les yeux.

Je ne savais finalement rien de cette fille. La nuit que nous avions passé ensemble n’était qu’un écran de fumée. Quand je me suis réveillé, l’avion allait atterrir et j’ai dû rester attaché. Dans l’aéroport, je l’ai cherché, mais je ne l’ai pas trouvée. J’ai attendu longtemps en espérant la retrouver. Je ne sais même pas pourquoi je voulais la revoir. Après tout, c’était une fille comme les autres ?

Je me demande juste pourquoi je n’arrive à me souvenir de rien.

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